17 mai 2024

Le “Frè Gabe” qu’on a connu au primaire à Sainte Trinité

Les révélations de Pierre Allan Gabriel plus connu sous le sobriquet Frè Gabe m’ont laissée sans voix. Moi qui avais cru que cette affaire de lunettes n’était qu’un style adopté par l’artiste pour faire joli, et j’apprends maintenant qu’il s’agissait plutôt d’un moyen pour lui de se protéger. L’une des photos montrées dans le documentaire où il a finalement montré ses yeux m’ont ramenée quelques années en arrière, où on fréquentait le même établissement. Celle où il porte son uniforme de l’Ecole Sainte Trinité.

En effet, je me rappelle, ce petit garçon, tout timide sur la cour de récré qui restait souvent dans son coin, ses paires de lunettes, supportées par ce petit cordon noir. Il semblait fuir le regard des autres élèves. Ce comportement renfermé sur lui-même était dû au fait qu’on le chahutait à cause de son oeil droit, différent de celui de gauche, qui sécrétait à longueur de journée des croutes.

Ma curiosité fut telle après avoir visionné son documentaire, que j’ai été sur ce groupe de discussion “whatsapp” des anciens de ma promotion à Sainte Trinité pour demander aux membres s’ils étaient au courant de son handicap. “Non” répondirent-ils. Plus d’un n’a pas caché qu’on lui faisait en effet des misères en le nommant de toutes sortes de mots à cause de son oeil, mais qu’ils pensaient que c’était quelqu’un qui souffrait juste d’une des déficiences oculaires.

“Timoun yo pa t konn vle jwe avè l vre; yo te konn rele l salòp paske l pa t janm vle siye je a” avance l’une de ses anciennes camarades. Par ailleurs, à EST, contrairement à ses copains de son école du secondaire, on ne prenait pas le malin plaisir à le tourner en dérision, l’intimider ou encore le mettre mal à l’aise pour sa différence.

Par contre, ce portrait d’un enfant gentil que semblent peindre certains des élèves, ne semble pas cadrer avec le personnage de Frè Gabe quand il se trouvait en salle de classe ou quand il se préparait à se rendre en récréation. “De ki frè Gabe w ap pale? M pa kwè se menm sa ki te lijan boje nan klas m te toujou fè primè avèk li a. Ti tonton sa te konn fè m monte lesyèil pa do” affirme une autre de ses camarades.

Frè Gabe qui squattait seul en cour de récré était en effet un perturbateur et un turbulent, qui se servait parfois de son oeil pour déranger les autres. “Mwen non sa mwen p ap janm bliye l: Gabriel Pierre Allan
Se sa m bliye m konnen m pran nan men l.
Mal chans pou mwen, se toujou kotem oubyen devan m pou yo mete l chita;
Pou l ap pase men l nan je l pou l siye l sou ou, si lè l di w fè on bagay ou pa fè l”. Des déclarations qui laissent perplexes ceux et celles n’ayant pas eu la chance, ou la malchance de partager la même salle que lui.

“M pa t janm gen chans nan menm klas avè l; Sanble se nan rekreyasyon li te poze” témoigne l’une de nous, ayant de la peine à se faire à l’idée que Frè Gabe était à ce point désagréable.

En outre, l’auteur du morceau “M g on lyon k ap veye m” semblait s’être donné pour mission de déranger les filles. En plus de leur mener la vie dure en salle de classe, alors qu’on prenait les escaliers pour aller en récréation, il sortait le coup de grâce: “Misye te konn rete anba mach eskalye yo pou l ka gade anba jip medam k ap desann yo” épilogue un autre camarade de la promotion.

Seuls le faisait s’assouplir, les chahutements à propos de son oeil. Les enfants à l’époque savaient où frapper fort, bien qu’ils niaient qu’il portait un oeil en crystal.

Frè Gabe, avant d’avoir eu le courage de dévoiler sa faiblesse au public a dû en pâtir. Je félicite d’ailleurs son courage, même si selon moi, il n’avait de compte à rendre à personne. Cependant, il en a aussi fait baver plus d’uns à l’Ecole Sainte Trinité, se servant très souvent de ce même oeil. Était-ce sa jeunesse, son esprit enfantin, sa manière à lui de ne pas trop s’appitoyer sur son sort? On ne le saura peut-être jamais.

Mais sinon, je suis contente de ne pas avoir, même pendant une année, partagé la même salle que lui; cela n’aurait pas été une sinécure pour lui.

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