La population haïtienne ne pourra pas tenir dans cette galère. La fin de ce mois de mars est une deadline importante. La progression des terroristes, organisés en bandes territoriales, à des vitesses vertigineuses dans les banlieues de la capitale donne l’image de zones fantômes. Des centaines de milliers de personnes sont confi- nées de force à leur domicile, souvent sans nourriture ni eau potable. Le désastre hu- manitaire est imminent et les autorités s’en foutent royalement. Elles se pavanent dans quelques quartiers moins dangereux, agaçant la population du boucan de leurs sirènes et du clinquant des gyrophares. Port-au-Prince et une bonne partie du pays sont assiégés. Les enlèvements spectaculaires sont quotidiens. Des écoles, des hôpi- taux, des églises, des industries et commerces, des commissariats de police et des bu- reaux publics se ferment quand ils ne sont incendiés par les groupes armés. Et il n’y a pas de couloirs humanitaires.
Après certaines interventions de la PNH, les malfrats retournent dans les zones soi- disant « délivrées » puisque les agents de la force publique n’ont pas la capacité d’occuper le terrain. L’État a abandonné les citoyens à leur sort. Aucun PLAN global et intégré de sécurité n’est sur la tabl; et dire que les armes ne pourront tout régler. Ce sont des opérations « coup de poing » que nos braves policiers entreprennent avec les maigres moyens à leur disposition. Visiblement sans renseignements fiables ni maté- riels adéquats, ils s’exposent quotidiennement dans des tâches militaires alors que la loi du 29 novembre 1994 a créé une police civile. La situation générale du pays a empiré à tous les points de vue. Du sempiternel refrain « des instructions ont été pas- sées à la police, » le Ministère de la Justice en charge de la sécurité publique a fina- lement lâché une bombe :« que la population se défende elle-même. » C’est un aveu flagrant et puissant d’incompétence et d’impuissance du gouvernement.
UNE GOUVERNANCE AU RABAIS
Au constat de l’échec de son gouvernement, le Premier Ministre a dû rechercher un nouvel accord politique -celui du 21 décembre 2022- qui a rassemblé un nombre im- portant d’acteurs politiques et de la société civile. Cet accord exige l’évaluation de toutes les instances gouvernementales, dès sa signature (article 13), pour apporter les changements nécessaires, en concertation avec le Haut Conseil de la Transition. C’est le statu quo. Tout le monde s’accroche au pouvoir.
Le Conseil des Ministres du Cabinet sortant n’avait en réalité pour seule mission, que de faire publier dans le Moniteur l’Accord du 21 décembre, la composition du Haut Conseil de Transition et de l’Organe de Contrôle, conformément aux alinéas a, b et c de l’article 21. C’est le Gouvernement issu du Consensus National qui a la responsa-
bilité, avec le HCT, d’élaborer entre autres, la feuille de route et de combler les va- cances constatées à la Cour de Cassation. Cette disposition a été violée. Il semble que les mauvaises habitudes ont la vie dure. L’Accord du 21 décembre n’est jusqu’ici q’une parade pour la coalition au pouvoir. Connaîtra-t-il le sort de celui du 11 sep- tembre, mais avec les conséquences politiques pour ceux qui entravent la résolution pacifique de la crise? Il faut croire que les bandits ont beaucoup d’alliés objectifs dans certaines institutions étatiques à caractère politique et financier.
POURQUOI J’AI SIGNÉ LE CONSENSUS DU 21 DÉCEMBRE ?
Le démocrate que je suis, devait respecter la décision majoritaire du Groupe de Concertation pour un Compromis Historique à travers la Résolution du 23 décembre. J’ai donc signé « sous réserves » de la formation d’une Commission de Garantie et de Suivi ainsi que de l’adoption d’un Addendum, dans le cadre d’un dialogue continu avec les groupes non encore signataires; et cela sans exclusive. C’est ma conviction profonde que tous les groupes de la société doivent se parler sans pour autant cher- cher une unanimité impossible et anti-démocratique. Je serai donc présent à toute dis- cussion, à toute négociation qui privilégie l’intérêt national.
Ce n’est pas l’Accord du 21 décembre qui va résoudre le problème. Il doit être un ou- til, un cadre référentiel. EN TEMPS DE GUERRE OU DE CRISE, UN ACCORD POLITIQUE EST UNE LÉGISLATION D’EXCEPTION. La Constitution de 1987 elle-même, massivement votée par le peuple, ne nous a pas permis jusqu’à présent, d’instaurer la démocratie dans le pays. C’est un long apprentissage car la démocratie ne se décrète pas. Nous devons apprendre à vivre avec nos différences dans le respect de la loi. Mais le peuple ne lutte pas seulement pour ses droits politiques, il aspire aussi à la jouissance de ses droits sociaux, économiques et culturels.
Le réformateur que je suis, est sensible aux dispositifs du Consensus National à la SECTION I: DES PRINCIPES DE LA TRANSITION, qui définit ainsi la vocation du nouveau gouvernement :« …une administration intérimaire chargée de gérer un programme de réformes fondamentales de la politique, des institutions publiques et de l’économie d’Haiti. Des élections libres et équitables sont une étape cruciale dans un processus à plus long terme qui s’étendra au-delà des élections, pour transformer le pays et établir un contrat social plus juste entre l’État et les citoyennes et les ci- toyens. »
Ce document dit de Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élec- tions Transparentes, tout comme celui de Marriott, de Louisiane ou de Montana, a la vertu de consigner ce que des haïtiens et haïtiennes de l’intérieur et de la diaspora ont pu acter ensemble. Il y aura peut-être d’autres accords, qui sait, puisque chaque ac- cord prône la permanence du dialogue. D’où la nécessité d’une LARGE CONCER- TATION pour se mettre d’accord sur l’essentiel. Sans un Compromis Historique, le Péril sera Collectif. Et l’immobilisme de l’État fait craindre le pire.
Il est à remarquer que l’accord en vigueur prévoit aussi « un mécanisme de suivi in- ternational » dont les termes de référence devraient être établis, au plus tard, quatre semaines après l’adoption du consensus. La Communauté Internationale veut avoir des interlocuteurs compétents avec des plans bien définis. Les hésitations de tous les pays étrangers à aider Haïti actuellement, sont dûes en grande partie, à un déficit de
confiance par rapport au gouvernement. De fortes suspicions pèsent sur une possible collusion entre les bandits et de grands acteurs. Alors, pour renverser la tendance et redonner confiance aux partenaires internationaux, il faudra un grand coup de balai. Déjà vingt mois d’une gouvernance intérimaire stérile; quel en est sincèrement le bi- lan ?
Hier c’était la peur, aujourd’hui c’est le désespoir. Le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits Humains explique déjà que c’est une « VIOLENCE CAUCHE- MARDESQUE. »
EN CONCLUSION
J’invite mes compatriotes à refuser la léthargie suicidaire et à s’engager patriotique- ment ; le destin de la Nation et la survie du peuple en dépendent. Aujourd’hui, deux clans s’affrontent pour garder ou pour assauter le pouvoir. Mais un troisième groupe non clanique, ouvert et pragmatique auquel j’appartiens, moins bruyant et pacifiste appelle à la raison pou un Addendum au consensus national.
Et si l’Accord du 21 décembre ne peut pas être la solution, cent fois sur le métier, nous devrions nous remettre à l’ouvrage pour trouver la formule consensuelle avec un GOUVERNEMENT D’EXCEPTION afin d’offrir rapidement aux familles haï- tiennes, au moins la SÉCURITÉ.
Je réitère à toutes et à tous mon offre politique, celle de la RÉFORME RÉVOLU- TIONNAIRE, une révolution tranquille comme celle du Québec au Canada et du Rwanda après le génocide. Le miracle haïtien est possible. Nous pouvons construire ensemble une Nouvelle Haïti démocratiquement forte dans l’ordre, la sécurité et so- cialement juste par la répartition équitable des richesses nationales.
Ensemble Maintenant !
Dr. Emmanuel Ménard