RESOLUTION DE LA CRISE POLITIQUE HAÏTIENNE PAR LA CONSTITUTION DE 1987
VERSION CREOLE JAMAIS AMANDEE
Nous, représentant.es de partis politiques, de l’Université, d’Accords pour une sortie de crise, de regroupement patronal, d’organisations de base, de regroupement de femmes, de syndicats, de paysans, de professionnels, du secteur religieux ainsi que de la diaspora haïtienne, avons pris l’initiative d’engager un vaste dialogue en vue de trouver une Résolution à la crise politique haïtienne apte à dégager un consensus national, eu égard à la Constitution haïtienne de 1987.
Le temps de la rupture avec les successions de crises politiques qu’a connu le pays depuis quelque temps, aggravé par l’assassinat pour le moins tragique et crapuleux du Président de la République, Jovenel Moïse, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, est venu. Le peuple haïtien veut redéfinir son avenir en mettant le cap vers un État démocratique, un État de droit à l’instar des autres États dignes de ce nom. Il est temps alors qu’Haïti reprenne sa place dans le concert des Nations qui épousent la voie de l’État de droit selon lequel les pouvoirs publics doivent exercer leurs fonctions en ayant la Constitution et les autres lois de la République comme boussole.
D’où :
• Convaincus de la volonté de toutes les citoyennes et tous les citoyens, dépositaires originaires de la souveraineté nationale, d’assumer un destin commun par la solidarité et l’engagement patriotique.
• Profondément attachés aux valeurs liées à la bonne gouvernance, à la démocratie et à l’État de droit.
• Déterminés à trouver une solution nationale à la crise à travers un consensus respectueux de l’intérêt général.
• Reconnaissant que les dispositions prévues dans la Constitution dite amendée sont inapplicables à la situation née de la mort du Président Jovenel Moïse.
• Tenant compte du dysfonctionnement du Parlement haïtien traduit par l’absence de la Chambre des Députés et par l’amputation de 2/3 du Sénat de la République.
• Voulant éviter l’anarchie susceptible d’aboutir à une guerre civile dans le pays.
• Constatant la paralysie de la vie nationale depuis plus d’une semaine en raison de la hausse des prix des produits pétroliers dans le pays.
• Confrontés à un nombre croissant de manifestations occasionnant des actes de vandalisme, de pillage, d’incendie, de vol, d’évasion de prison, de violence à travers les dix (10) départements de la République.
• Éprouvant un sentiment d’échec dans les démarches visant à trouver un compromis entre le Gouvernement du sieur Ariel Henry et les autres acteurs de la classe politique au bénéfice de la population haïtienne.
• Désirant aboutir au rétablissement de l’ordre démocratique par la réalisation d’élections honnêtes, participatives, crédibles et au rétablissement de la norme Constitutionnelle.
Nous nous sommes engagés aux côtés du peuple haïtien afin d’œuvrer pour le rétablissement d’un climat serein et propice à la stabilité, au développement durable et à la récupération de la dignité nationale.
• Considérant que la mort du Président Jovenel MOÏSE survenue dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 crée une situation d’exception et un vide institutionnel,
• Considérant qu’il y a lieu de combler le vide présidentiel dûment constaté après l’assassinat du Chef de l’État,
• Considérant que l’exécutif monocéphale constitue une grande première dans notre vie politique et demeure inadapté à notre réalité de gouvernance,
• Considérant que le corpus juridique haïtien exige un pouvoir exécutif bicéphale avec un Président de la République, Chef de l’État et un Premier ministre, Chef du Gouvernement,
• Considérant que depuis l’assassinat du Président de la République, le pays est administré par un gouvernement qui trouve sa légitimité sur la base d’un Accord baptisé « Accord du 11 septembre 2021 »,
• Considérant que ledit Accord n’inspire aucune confiance aux signataires voire aux autres acteurs politiques,
• Considérant le dysfonctionnement du Parlement haïtien traduit par l’absence de la Chambre basse et par l’amputation de 2/3 de la Chambre haute,
• Considérant que les élections devant renouveler le personnel politique du pays n’ont pas été réalisées au temps prévu par la Constitution,
• Considérant que le Président est assassiné à partir de la quatrième année de son mandat et que, par conséquent, l’absence de l’Assemblée Nationale caractérisée par la réunion des deux (2) Chambres ne favorise pas l’application de l’article 149 de la Constitution en vigueur relatif au mécanisme de remplacement du Président de la République,
• Considérant qu’il n’existe aucune référence Constitutionnelle permettant de combler les différentes fonctions au niveau de l’Exécutif,
• Considérant, en conséquence, qu’il convient de recourir à la Constitution de 1987 en vue de trouver une issue susceptible de combler le vide présidentiel,
• Considérant que les versions française et créole de la Constitution de 1987 ont été votées chacune séparément et que la version créole n’a jamais fait l’objet de remise en question ni d’amendement et, en conséquence, demeure debout,
• Considérant qu’avant l’amendement de la Constitution en vigueur, l’article 149 disposait d’un mécanisme de remplacement du Président de la République selon lequel : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, le Président de la Cour de Cassation de la République ou, à son défaut, le Vice-Président de cette Cour ou à défaut de celui-ci, le juge le plus ancien et ainsi de suite par ordre d’ancienneté, est investi provisoirement de la fonction de Président de la République […] »,
• Considérant que la Cour de Cassation est la plus haute instance du pouvoir judiciaire de la République d’Haïti,
• Considérant le pays a connu, par le passé, des expériences positives avec la Cour de Cassation notamment à travers la Présidente Ertha PASCALE TROUILLOT et le Président Boniface ALEXANDRE qui ont organisé des élections crédibles dans le pays,
• Considérant que l’un des trois (3) juges actuels de ladite Cour est en mesure de combler le vide présidentiel permettant ainsi le retour au caractère bicéphale du pouvoir Exécutif, conformément à la Constitution en vigueur,
• Considérant qu’il convient de chercher des solutions institutionnelles pour faire face à l’instabilité sociopolitique que traverse le peuple haïtien et garantir le respect de la démocratie et de l’État de droit,
• Considérant que l’application de la Constitution de 1987 s’inscrit dans une démarche visant à garantir une solution Constitutionnelle apte à établir la confiance et l’adhésion de la population à cette résolution de la crise,
• Considérant que la Constitution est d’application stricte, si la loi mère ne prévoit pas de provision pour résoudre la Crise dans sa lettre, on resterait le plus proche de cette dernière dans son esprit,
• Considérant que la nécessité d’aboutir à la résolution de la crise politique du pays s’avère une opportunité devant favoriser la stabilité, la sécurité, le retour à la normale et le développement durable du pays.
RÉSOLUTION
Cette résolution, issue d’un large consensus national à travers la participation de toutes forces vives de la nation y compris la diaspora haïtienne, vise à créer les conditions de la stabilité nationale en vue du retour à la normalité Constitutionnelle, de la restauration de l’ordre démocratique et de l’État de droit.
• Entamer le processus visant à nommer un Juge parmi les trois (3) qui sont en fonction à la Cour de Cassation, en l’occurrence :
o Me Jean-Claude THÉOGÈNE,
o Me Jean Joseph LEBRUN,
o Me Barthélemy ANTÉNOR
comme Président provisoire de la République d’Haïti devant assurer la transition démocratique, conformément à l’article 149 de la Constitution de 1987.
• Former un Gouvernement de Transition avec la nomination d’un Premier Ministre issu des consultations avec les acteurs des différents secteurs vitaux de la vie nationale.
• La transition s’étendra sur une période allant d’octobre 2022 à février 2024.
Ce Gouvernement aura pour feuille de route
• Mettre en veilleuse tous les décrets illégaux et liberticides pris par les précédentes administrations
• Combler le vide des juges pour compléter la Cour de Cassation afin de la rendre fonctionnelle, “pour que justice soit rendue à qui Justice est dû”, par:
o L’intégration des juges mise à la retraite illégalement, en référence à l’article 179 de la Constitution de 1987, par le feu Président Jovenel Moïse:
Juge Jules CANTAVE mise à la retraite illégalement le 2 février 2019, le mandat devrait prendre fin le …2025;
Juge Joseph Jean MECENE, mise à la retraite illégalement, le 8 février 2021, le mandat devrait prendre fin le 2 novembre 2021;
Juge Wendel COQ THELOT, mise à la retraite illégalement, le 8 février 2021, le mandat devrait prendre fin le 16 février 2022;
Juge Ivikel DABRESIL, mise à la retraite illégalement, le 8 février 2021, le mandat devrait prendre fin 31 janvier 2029;
• Rétablir à leur poste les trois (3) Juges dont leur mandat arrive à terme le 16 février 2022, conformément au vœu de l’article 69 de la Loi du 27 novembre 2007 portant statut de la Magistrature :
Juge Franzi PHILEMON (17 février 2012) mandat fini 16 février 2022 ;
Juge Louis Pressoir JEAN-PIERRE (17 février 2012) mandat finit 16 février 2022 ;
Juge Kesnel Michel THERMESI (17 février 2012) mandat finit 16 février 2022 ;
o Créer un climat de confiance devant favoriser la formation du Conseil Électoral Provisoire (CEP) dont la mission consiste à organiser l’élection générale dans le pays;
o Activer le processus électoral afin de doter le pays de nouveaux dirigeants élus reflétant la volonté du peuple haïtien;
o Pacifier « les Zones de Non Droit » par l’éradication des Gangs armés et des bandits notoires ;
o Entamer une vaste campagne de désarmement sur toute l’étendue du territoire national ;
o Créer les conditions sine qua non de stabilité, indispensable au développement de l’ensemble du pays ;
o Envisager des mesures qui prennent en compte les revendications sociales de la population aptes à relancer l’économie tout en attirant des investissements directs étrangers et de la diaspora haïtienne ;
o Identifier les réformes structurantes pouvant transformer durablement l’action publique autour d’objectifs clairement définis surtout en matière de contrôle des finances publiques pour repenser et optimiser les dépenses de l’État de manière à obtenir de meilleures prestations de services publics au bénéfice de la population haïtienne, toutes couches sociales confondues ;
o Mettre en place et renforcer les structures qui dénoncent et combattent les pratiques de corruption et de contrebande afin de développer une culture de bonne gouvernance dans le pays ;
o Mettre en place un Programme multisectoriel pour l’apaisement et la réinsertion sociale des groupes vulnérables ;
o Procéder au lancement des travaux à haute intensité de main-d’œuvre pour attaquer les problèmes liés à la cherté de la vie et le chômage ;
o Faire la promotion de la stabilité à l’aide de projets sociaux aptes à contribuer à la création d’emplois dans le pays ;
o Pour que l’Exécutif ne puisse abuser du pouvoir, vu qu’il n’y aura pas de Parlement à partir du deuxième lundi du mois de janvier 2023, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. D’où, la nécessité de prévoir la mise en place, dans le cadre de la bonne gouvernance, d’un Conseil d’Etat en vue de Contrôler la Transition constituée de sept (7) personnalités indépendantes jouissant d’une grande notoriété et d’une moralité irréprochable. Le pouvoir exécutif prendra toutes les dispositions administratives nécessaires pour allouer aux membres de ce Conseil des émoluments pour leur activité, à titre de jetons de présence.
Fait à Port-au-Prince, 22 Septembre 2022