Depuis plusieurs décennies, l’histoire de la sociologie haïtienne comme dans toutes les sociétés a franchi une étape évolutive et laissant perplexe certains conservateurs qui, sans raisonnements profonds arrivent à la déduction simpliste de : « détérioration de la jeunesse », souvent en liaison avec la thèse de l’individualisation, s’efforcent de mettre l’adolescent au centre de la théorie sociale. D’entrée de jeu, faut-il accepter que l’homme soit un construit social ? Si oui, toutes approches comparatives et relatives devant traiter les faits communs d’une période à une autre seraient vues comme entraves à l’appréciation rationnelles du sujet.
Et, au-delà même des interdits sexuels, le slogan « TI MOUN 2000 yo », en très peu de temps a constitué le sujet de la thèse parmi les plus débattus au cours de l’année 2021 par diverses couches sociales… savants et ignorants se sont vidés pour la justification de l’interminable conflit intergénérationnel.
Les années 2010 ont été très controversées en Haïti, sur le plan social, politique et culturel. Ce fut une année électorale où deux tendances d’âges et d’époque croisaient le fer. D’un côté il y a Martely qui qui incarnait la jeunesse et de l’autre côté, Mirlande Hyppolite Manigat qui charriait tout le poids d’une gérontocratie impopulaire. Dans la mêlée, la jeunesse accuse et en scandant l’échec des anciens, en face, les “Gran Moun” réagissent pour souligner la déviance et la délinquance dont fait l’objet la classe juvénile. De là, le concept (slogan) « Gran moun echwe ak Ti moun dejwe » a été vite adopté et a fait couler encres et salives dans les medias les plus prisées de la place. A cette époque, on ne saurait toutefois négliger le groupe à succès de Bas peu de chose Barikad Crew qui, à la dimension de son audimat a proposé le fameux titre :
Gran moun echwe
“Granmoun yo echwe
Yo bay tout kòb
Pou fè ti fanm yo devye
Yo pa bay djòb
Lajan peyi a gaspiye
Koripsyon ap miltipliye
Edikasyon jèn anba pye… »
Et, nous voilà en 2021, toujours dans la dynamique comparative de querelle sur un fait a priori normal résultant de l’évolution.
Durkheim, père de la sociologie, dans un discours sur la socialisation et conflit a dit ce qui suit : « ce qu’apprend l’histoire, c’est que l’homme ne change pas arbitrairement ; il ne se métamorphose pas à volonté à la voix de prophètes inspirés ; car toute transformation venant se heurter au passé acquis et organisé, est dure et laborieuse ; elle ne s’accomplit, par suit, que sous l’empire de la nécessité. Pour réclamer un changement, il ne suffit pas de l’entrevoir comme désirable, il faut qu’il y ait dans les conditions diverses dont dépend l’humanité des transformations qui l’imposent. »
Le conflit inter-générations est un sujet qui sera toujours d’actualité
Pour le sociologue André Masson: « la génération désigne un groupe… formé d’individus relativement contemporains qui partagent un vécu ou des expériences similaires et se retrouvent souvent autour d’un nœud fédérateur (mai 1968), révélateur de mentalités ou d’aspirations communes ».
Cette notion de nœud fédérateur est moins marquée désormais, où le développement des individualismes et l’affaiblissement de la notion de lutte réduisent les points de convergence entre individus d’une génération.
Auparavant, les conflits portaient principalement sur les valeurs, la vision du monde, les choix de vie, suscitant débats acharnés et parfois ruptures entre des façons très différentes de voir la vie. Ces conflits se sont atténués dans un politiquement correct apaisé qui produit une forme de consensus.
Dans une grille de lecture évolutive, il faut tenir compte de différents variables portant sur le comportement et les influences de l’heure auxquelles peut se confronter la jeunesse. Se référant déjà à l’ère où nous évoluons, une ère où l’information est totalement accessible à tous et à toutes, il est de plus en plus difficile de barrer la route à la déviation de cette frange sociale qu’est la jeunesse.
Aujourd’hui, par le biais de l’internet et par la prolifération de medias qui sans restriction aucune produisent des intox dans le simple but d’attirer la foule au détriment de l’éthique de l’art d’informer ; sous le regard attentif d’un Etat en quête de l’état et sans oublier le constat de l’effondrement des agents de socialisation (Famille-Ecole-Eglise), la jeunesse est en proie à la disparité dans une société haïtienne qui conçoit l’enfant comme un «adulte sexuel miniature». Cette mise en avant des enfants les arrachent à l’enfance pour les projeter violemment dans un monde adulte avec ces composantes de sexualité, de séduction, d’excitations… vaines.
Par ailleurs, l’abondance de messages sexuels dans les médias pousse des jeunes à valoriser une image corporelle stéréotypée. Cette image constitue, pour chaque sexe, un modèle corporel unique qui ne laisse pas de place à la variété des formes, des âges et des tailles. Influencés par un idéal de beauté, certains adolescents sont convaincus qu’ils doivent s’y conformer pour se réaliser et deviennent ainsi obsédés par leur image corporelle.
D’où réside toute la portée du débat mettant en phase les générations passées aux natifs de l’an 2000.
Charme, Sexe, argent, plaisir, ivresse sont entres autres les meilleurs qualificatifs résumant cette génération accusé de mille péchés pour avoir trop tôt expérimenté sa sexualité.