En Haïti, le concept de jeunesse a toujours posé problème et souvent a conduit à des débats très abondants en arguments. « Ti moun jodi, gran moun demen » est souvent évoqué quand on veut responsabiliser cette catégorie de la population. Détermination, force, dynamisme, fougues et savoirs bruts sont entre autres quelques facultés que possède la jeunesse devant lui permettre de s’ériger en pouvoir réel dans la société. Et pourtant, le système gérontocrate dans lequel nous pataugeons et en dépit ses faiblesses vis-à-vis de la jeunesse n’a cessé de se pérenniser confortablement dans les rouages de l’Etat.
L’élection de Gabriel Boric au chili le 20 décembre 2021 dernier a suscité des débats ici comme ailleurs. Devenir président à 35 ans à notre ère n’est pas chose facile, c’est un exploit immense pour ce dernier qui devient pour son pays le plus jeune président.
N’en restons pas là, d’autres exemples, il y en a plein. Que dire de : Joseph Kabila, premier président démocratiquement élu de la République démocratique du Congo en 2006, Joseph Kabila a atteint la plus haute fonction du pays à 35 ans. Il occupait déjà toutefois le poste de chef d’État depuis 2001, date à laquelle il a pris la succession de son père Laurent-Désiré Kabila, assassiné.
On pouvait également avancer avec : Emmanuel Macron, qui a souvent été présenté comme “un jeune premier” en politique, Emmanuel Macron n’est finalement pas le plus précoce. Il est toutefois devenu en 2014, à 36 ans, le plus jeune ministre de l’Économie depuis Valéry Giscard d’Estaing. Candidat à l’élection présidentielle en 2017, il était âgé de 38 ans et élu chef de l’État en 2018 a l’âge de 39 ans.
C’est aussi le cas de : Atifete Jahjaga, elle a été élue Présidente du Kosovo de 2011 à 2016, et est la première femme à avoir occupé cette fonction et la plus jeune à être élue à ce poste.
Bref, qu’en est-il pour nous autres haïtiens ? Nous, qui à maintes reprises avons marqué l’histoire de l’humanité. Nous qui en 1804 avons réussi la première révolution humaniste du globe à une époque où le monde était dominé par des puissances coloniales et esclavagistes assoiffés d’or et de pouvoirs. Nous avons osé être libre par nous-même et pour l’humanité.
De notre histoire épique et de notre grandeur d’âme nous avons accepté Jean-Claude Duvalier, qui fut président d’Haïti de 1971 à 1986. Alors le plus jeune chef d’État au monde, il était surnommé « Baby Doc ».
Né le 3 juillet 1951 à Port-au-Prince. Il a fait ses études secondaires dans la capitale haïtienne et entame un cursus universitaire à la faculté de droit de l’Université d’Etat. Le 21 avril 1971, à la mort de son père François Duvalier, dictateur d’Haïti surnommé « Papa Doc », Jean-Claude Duvalier devient président à vie, à l’âge de dix-neuf ans.
Beaucoup de gens disent que sous les menaces et la pression des États-Unis, notamment, qui soutiennent les gouvernements démocratiques face à la menace communiste dans la zone caribéenne, Jean-Claude Duvalier s’engagea dans une démocratisation progressive des institutions politiques et économiques. Il met en œuvre des réformes budgétaires et judiciaires, il remplace certains ministres âgés dévoués à son père par des hommes politiques plus jeunes, il libère quelques prisonniers politiques et assouplit la censure sur les médias. Ces changements restent toutefois limités et ne bouleversent pas la situation héritée de son père.
Entre peur, incertitude, pression et tentatives de changement, Baby Doc semblait ne pas avoir les épaules assez solides pour supporter le poids du pouvoir que lui avait légué son père. En pseudo Dictateur, il n’a pas su conserver la dynastie de son père.
Il quitta le pouvoir en 1986 sous la pression populaire et laissa porte ouverte à une nouvelle ère.
Jean Bertrand Aristide, communément appelé Titid ou Ti Pè a, est un Homme politique et prêtre salésien né le 15 juillet 1953, à Port-Salut (Haïti), président d’Haïti en 1991, 1994-1996 et 2001-2004.
Bien qu’il ne soit pas dans la catégorie de Baby Doc, Joseph Kabila Gabriel Boric, mais il peut se balader aisément devant Macron ou Louis Napoléon.
Entré au séminaire salésien de Cap-Haïtien où il se préparait à la prêtrise. En 1975, il se rangea du côté des pauvres et de Ti Kominoté Legliz (« petite église »), un mouvement issu de la théologie de la libération. L’année suivante, il retourne à Port-au-Prince pour étudier la psychologie à l’université d’État, d’où il sort diplômé en 1979. Toutefois, on doit se souvenir que la fin des années 1970 a surtout été marquée par un militantisme accru contre le régime de Jean-Claude Duvalier (Ce qui d’ailleurs a consolidé les arguments de Aristide), et Jean-Bertrand Aristide, responsable de la programmation à Radio Cacique (station de radio catholique), appelle au changement. Il se retrouve souvent en désaccord avec ses supérieurs, qui l’incitent à quitter le pays. Jean-Bertrand Aristide passe la plus grande partie des six années suivantes à étudier la théologie biblique à l’étranger, et obtient une maîtrise en 1985 à l’université de Montréal. En 1982, il est passé brièvement en Haïti pour son ordination.
Il rentre au pays en 1985, et devient curé de la paroisse de Saint-Jean-Bosco, un centre de résistance de Port-au-Prince. En 1986, l’année où Duvalier est chassé du pouvoir, Jean-Bertrand Aristide survit à une première tentative d’assassinat qui sera suivie de nombreuses autres. Il se fait réprimander par les Salésiens pour ses prises de positions politiques et fonde des orphelinats, notamment celui de Lafanmi Selavi. Au cours des années suivantes, il continue de mécontenter la hiérarchie catholique et l’armée.
En 1987, l’Église tente de le transférer dans une paroisse moins centrale mais elle échoue quand ses partisans occupent la cathédrale de Port-au-Prince et organisent une grève de la faim. En 1988, un attentat perpétré au cours de l’office qu’il célèbre fait treize morts et plus de soixante-dix blessés. Opposés à ses activités politiques, les Salésiens l’expulsent à la fin de 1988 ; en 1994, Aristide demande à être défroqué.
Poussé par le mouvement populaire Lavalas (qui signifie « avalanche » en créole) à se présenter à l’élection présidentielle, Jean-Bertrand Aristide remporte les premières élections démocratiques libres d’Haïti en 1990 et est investi le 7 février 1991. Il lance un programme d’alphabétisation et démantèle le système répressif des milices des « tontons macoutes ». Ses réformes mécontentent l’armée et l’élite haïtienne, et le 30 septembre 1991, un coup d’État le chasse du pouvoir. Aristide vit en exil jusqu’au 15 octobre 1994, date à laquelle l’armée, confrontée à une intervention internationale sous l’égide des États-Unis, accepte de le laisser revenir. Il revient à la présidence, et malgré sa popularité auprès des masses, échoue à trouver des solutions efficaces aux problèmes économiques et aux inégalités sociales du pays. Il quitte le pouvoir en 1996, la Constitution lui interdisant d’effectuer deux mandats consécutifs.
Nous avons tenté cette approche historique de mémoire pour calmer un peu les nerfs de certaines personnes se laissant emporter dans la facilité et des clichés pour faire des critiques. L’État est à la fois une réalité historique et une construction théorique argumente certains et moi, je suis de cet avis. Stato utilisé par Machiavel pour désigner les cités-États est aussi une institution qui, sur un territoire donné, dispose du monopole de la violence physique légitime (selon le sociologue allemand Max Weber) croyant également que l’économie et la politique sont deux domaines distincts, la première étant caractérisée par la satisfaction des besoins, la seconde, par la domination de l’homme sur l’homme.
Jean-Claude Duvalier et Jean-Bertrand Aristide, étaient solides sur le plan social et intellectuel. Ils ont fréquenté de bonnes écoles et ont joui de l’expérience de leurs entourages. Toutefois, il faut se demander, qu’est ce qui n’a pas tourné dans le mécanisme de leur gouvernement pour qu’ils connaissent de telles fins ?
Toutefois, il faut reconnaitre que la nation Haïtienne s’est construite sur une culture de lutte et de résistance. Et, malgré l’entente de l’indépendance, nous avons toujours du mal à construire l’Etat.
Toujours dans la pensée de Weber, l’Etat doit être le symbole d’obéissance, les individus doivent reconnaitre son autorité en acceptant de lui obéir : cette autorité est fondée sur la tradition, le charisme du dirigeant ou, dans les sociétés modernes, sur la rationalité mise en œuvre par la légalité et la bureaucratie.
Loin des débats sur les âges et sur les classes, la société haïtienne doit se réinventer en priorisant les choses de l’esprit, se responsabiliser dans un élan collectif pour une construction éclairée de l’être.