21 novembre 2024

Etzer Emile : L’assassinat de Jovenel Moise était prévisible, car les limites ont déjà été franchies

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L’assassinat de Jovenel Moise était prévisible, car les limites ont déjà été franchies

Etzer EMILE

Nous vivons et subissons chaque jour les conséquences de la faillite et de l’effondrement de l’État en Haïti. L’assassinat du Président Jovenel Moise était prévisible ! Cela sonne fort et osé; Mais, les conditions étaient réunies pour que cela arrive. Raison ? L’ÉTAT AVAIT LONGTEMPS CESSÉ D’EXISTER. Les groupes armés étaient devenus des biens économiques, vendus aux plus offrants. Les saisies d’armes au Port de St-Marc n’avaient jamais amené à l’arrestation de leurs importateurs. Selon le récent rapport de la Commission Nationale de Désarmement, de Démantèlement et de Réinsertion » (CNDDR), on compte aujourd’hui 162 groupes armés en Haïti alors qu’ en 2004 on en comptait 34. Ces groupes sont désormais plus nombreux, mieux armés et mieux financés. Seulement en 2020, selon les Nations-Unies, on avait enregistré officiellement environ 1500 morts par balle en Haïti. Jamais on n’a eu autant de morts par balle sur une année depuis la période du Coup d’État de 1991-1994 . Tuer en toute impunité est devenu un fait ordinaire. On n’avait plus de voix pour crier, plus de larmes à verser, plus de force pour protester…On a perdu toute notre capacité de nous indigner. Les crimes impunis ont laissé l’habituel pour épouser le naturel.

Des habitants de Martissant aux centaines de personnes à La Saline, Bel-Air, Cité-Soleil, Delmas 32, Christ-Roi, la même balle de l’insécurité et de l’impunité continue de faire des victimes jusqu’à atteindre un bâtonnier de l’ordre des avocats en l’occurrence de Me. Monferrier Dorval; des journalistes comme Rospide Petion, Vladjimir Légagneur ou Diego Charles; Femmes et filles comme la militante Antoinette Duclair; l’écolière Evelyne Sincère; étudiants tel Gregory St Hilaire; professeurs d’école comme Roosevelt Petit-Fa; entrepreneurs comme Patrick Thébaud; médecins comme le pédiatre Ernst Paddy; infirmières comme Virgile Lorna Rose Fils-Aimé; ingénieurs comme Ferry Cavé; pasteurs comme Borel Genesté; prêtres comme le Père Joseph Simoly; marchands; chauffeurs d’autobus; chauffeurs de moto; membres de la diaspora de passage en Haïti; cadres du secteur bancaire comme Norvella Bellamy pour ne citer que ceux-là… Et qui peut oublier les agents de la PNH sacrifiés à Village de Dieu le 12 mars 2021 au nom de la Patrie ou encore Guerby Geffrard de SPNH?

Cette même balle a tué des milliers de personnes sans nom, sans titre, sans adresse, dans la plus grande indifférence des autorités politiques. La liste est bien longue. Et cette balle continue de tuer en toute impunité.

Qui aurait imaginé que cette même balle dans sa trajectoire pouvait atteindre le premier des citoyens du pays? Qui aurait cru voir le nom de Jovenel Moïse s’assujettir à la règle?

Combien de personnes kidnappées, de filles/femmes violées, de maisons incendiées, de personnes qui ont dû fuir leurs zones à cause de la violence des gangs armés pour devenir des réfugiés sous leur propre sol, tel c’en est le cas au Centre Sportif de Carrefour? Combien de paisibles citoyens, professionnels, entrepreneurs ont été contraints de laisser notre chère Haïti vers un destin incertain?

Oui! Les limites ont été déjà franchies jusqu'à l'assassinat d'un président. Et, cela ne nous a rien appris de nouveau, mais plutôt, nous a rappelé que cela fait des années que les institutions démocratiques ont été détruites, notre police affaiblie, les gangs armés renforcés et la justice plus dysfonctionnelle que jamais. En refusant de combattre l’impunité et en protégeant les criminels, nos politiques ont créé un monstre. Ce monstre est devenu incontrôlable et met ainsi la vie de quiconque en danger, n’importe où et n’importe quand. C'était prévisible! Et le silence devant le malheur de l'un a fini par avoir raison sur tout le monde.

Les autorités responsables de la justice et de la sécurité, ont failli à leur mission à Martissant, Fontamara, Cité-Soleil, Bel-Air, La Saline, Delmas 32, Croix-des-Bouquets et partout dans le pays et une nouvelle fois à Pelerin 5. Rien de surprenant ! A la seule différence cette fois, c’est un président, mais qui, comme tout autre haïtien, était exposé, vulnérable, trimballant chaque jour avec son cercueil partout où il passe. Cela nous enseigne aussi que la bombe en classe économique n’épargne pas les passagers en “first class” pour reprendre les mots de Dany Laferrière.

On ne connaitra, peut-être, jamais les vrais auteurs intellectuels de ce crime. Car notre État, et surtout celui dont Monsieur Moise a hérité, entretenu et dirigé, n’avait ni la capacité, ni l’habitude de donner justice.

Tout en condamnant cet acte abominable, aussi bien que les autres assassinats et massacres qui se produisent depuis des jours, des mois et des ans, j’adresse mes sympathies à la famille et aux proches du Président Jovenel Moise.

La quête de justice pour le Président Jovenel Moise, pour Me. Dorval et les milliers d’autres personnes, doit passer par l’établissement de l’État de droit. Travaillons pour une gouvernance politique responsable capable d’assurer la sécurité, de garantir la justice et le bien-être de chaque citoyen.ne. C’est la seule façon de sortir de ce chaos et du coup d’ouvrir la voie à de nouvelles perspectives d’avenir pour Haïti.

Soyons indignés pour l’assassinat du Président Moise ! Soyons indignés pour l’assassinat de toute haïtienne et de tout haïtien ! Soyons indignés pour les 4 millions d’haïtiens qui ne peuvent pas manger aujourd’hui !

Etzer EMILE, citoyen

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Isaac Léo

La rédaction

Journaliste, Diplomate

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