Texte: Rijkard Dumel
A l’heure de l’hyper-connexion, afficher son intimité en ligne est devenue monnaie courante.
Dans la société du look, de l’image, du spectacle, il faut être vu et apprécié. L’intériorité se résout en un effort d’extériorité. L’intimité s’efface devant l’extimité (L’anatomie n’est plus le destin évoqué autrefois par Freud ; elle est désormais un accessoire de la présence, une instance remaniable, toujours révocable. Anatomie furtive, modulable, simple décor, ou plutôt décorps, à décliner selon les ambiances sociales. Une exigence impitoyable de séduction et de cisèlement de soi s’impose.
Les techniques médicales glissent immanquablement vers la cosmétique. La beauté est une lutte permanente. Elle est aujourd’hui posée comme facile, à portée de la main, et il faut faire preuve de mauvaise volonté pour ne pas céder à la tentation qu’elle suggère. Repousser des modèles si attractifs et si aisés à reproduire est une faute morale car ils incarnent un devoir-être, une faute non seulement envers soi mais aussi envers les autres…
La frontière de la confidentialité semble de plus en plus trouble, avec des influenceurs qui exposent leur intimité de fond en comble, et nous, spectateurs, qui observons cela passivement. TikTok et Instagram représentent les grandes scènes de notre temps, l’agora contemporaine, sur lesquelles ils se livrent, se dévoilent, se montrent sous toutes leurs coutures. Qu’il s’agisse de leurs sentiments, leurs relations, leurs émotions, leurs corps ou encore leur sexualité, les frontières de l’intimité sont sans cesse repoussées.
Pour ne citer que quelques exemples, certain(e)s influenceur(ses) se mettent à nu et se filment sous la douche pour présenter à leur communauté des shampoings, d’autres exposent des détails de leurs opérations chirurgicales pour faire la promotion de cliniques esthétiques, ou exhibent même leurs peaux mortes et autres résidus de sébum pour communiquer sur des aspirateurs à points noirs. on ne cherche pas ici à pointer du doigt un coupable, celui qui en montre trop ou celui qui fait du voyeurisme. Faisons simplement le constat que la proximité entre les influenceurs et leur audience est aujourd’hui sans limite. La téléréalité en est un autre exemple : pas d’intimité pour les participants, ils doivent se mettre à nu… au sens propre comme au figuré.
La vie intime, qui est définie comme ce qui relève du privé, tenue cachée du regard des autres, n’est plus vraiment intime, mais relève désormais du domaine public et a pénétré la communication suite à une demande grandissante de transparence de la part du public. en 2021, à l’ère où nous partageons tout sur les réseaux sociaux, qu’est devenu le concept de jardin secret ?