22 mai 2025

Un devoir interaméricain d’accompagner et de soutenir Haïti, selon le président Smith Augustin

Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Secrétaire général adjoint,
Monsieur le Président du Conseil permanent,
Excellences, Mesdames, Messieurs les Représentants permanents et Observateurs
permanents,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,

Au nom du Conseil présidentiel de Transition, permettez-moi de renouveler la gratitude du peuple haïtien au Secrétaire général sortant, SEM. Luis Almagro, pour son soutien continu à Haïti durant ses deux mandats, et féliciter le Secrétaire général élu, SEM. Albert Ramdin, ainsi que la Secrétaire générale adjointe, la première femme élue à ce poste, Mme Laura Gil. Je tiens à rassurer aux deux illustres élus de la bonne collaboration de la République d’Haïti tout au long de leur mandat qui sera marqué, j’en suis certain, du renforcement des liens de l’OEA avec Haïti.

J’adresse aussi mes vifs remerciements au Secrétaire général Almagro pour avoir
répondu favorablement à la demande haïtienne d’organiser ce symposium sur la
situation sécuritaire et judiciaire en Haïti. Lors de notre récente rencontre en avril
dernier, on s’était entendu que pour bien résoudre la crise, il faudra d’abord commencer par mieux la comprendre et faire évoluer le narratif qui l’accompagne tant au niveau national qu’international. Mais tout d’abord, je veux bien saluer le travail remarquable du Secrétariat à la Sécurité multidimensionnelle, ainsi que le dévouement de son personnel, dont l’engagement exemplaire a grandement contribué à l’organisation du symposium. Je remercie aussi l’ensemble des États membres et observateurs de l’Organisation pour l’attention constante qu’ils portent à la situation sociopolitique en Haïti. Ma gratitude s’adresse également à l’ensemble des organisateurs et aux intervenants.

Depuis la création de l’OEA, il a toujours été permis à Haïti de compter sur la solidarité
interaméricaine dans ses démarches de consolidation de l’État de droit, de promotion
de la paix et de protection de la démocratie. La tenue de ce symposium témoigne de
cette vieille amitié courageuse et solidaire

Mesdames, Messieurs,
Au-delà de l’élégance évidente de cet acte protocolaire, nous sommes réunis ici afin de
mobiliser notre attention sur une situation d’extrême urgence. L’urgence de répondre
en effet à une crise sécuritaire qui a franchi en Haïti les seuils de l’inacceptable.

L’urgence de venir en aide à une partie de l’humanité qui est péril en Haïti. L’urgence
de ne pas détourner notre regard de la détresse alors que des vies sont brisées quelque part tous les jours par la violence meurtrière des gangs, plus d’un million de personnes sont contraintes de quitter leur quartier tandis que l’autorité de l’État est menacée et la démocratie se trouve en péril.

Au moment où je m’adresse à cette auguste assemblée, les gangs armés contrôlent près
de 85% du territoire de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, une bonne partie du
département de l’Artibonite et quelques communes de celui du Centre. Il est urgent de
soutenir Haïti dans son combat souverain de récupérer les territoires qui sont sous le
contrôle des bandes criminelles. Ces bandits détruisent des vies et des biens, tuent
l’espoir et transforment en cauchemar les rêves de la jeunesse de grandir ou ceux des
vieux de jouir du repos de leur âge.

Mesdames, Messieurs, la limite a donc déjà été franchie. Il faut agir vite et bien. Sous
l’impulsion du Conseil présidentiel de Transition, l’État haïtien a renforcé sa politique de sécurité. Il s’est doté d’une feuille de route claire soutenue par une augmentation substantielle du budget alloué aux institutions d’ordre et de sécurité publics. Les fonds rendus disponibles aident à la formation du personnel sécuritaire, l’augmentation des infrastructures y relatives ainsi que la modernisation des équipements.

Les résultats devront être plus évidents dans les jours à venir. Le gouvernement actuel refuse catégoriquement d’être de connivence avec des bandits. Toutefois, la confiance totale du peuple ne sera rétablie dans ses élites dirigeantes si nous n’instaurons pas dans le pays une société résolument égalitaire et non-violente.

Le système national d’oppression populaire qui fut érigé dans le pays depuis la formation de l’Etat originel a fini par créer des monstres qui sont si détruits intérieurement qu’ils peuvent être en mesure de brûler vif un bébé innocent, violer des fillettes sans défense, incendier des hôpitaux, des écoles et des bibliothèques ou transformer en assassins, sous l’effet de la drogue, des enfants innocents mais désespérés.

Mesdames, Messieurs, croyez-moi que pour ainsi traiter les gens comme le font les
gangs en Haïti, l’instinct criminel individuel ne suffit pas. Il a fallu que les élites
traditionnelles passent leur temps à créer au détriment de la majorité une société
désintégrée ou un pays qui soit pour la majorité une terre de toutes les négations
existentielles.

En conséquence, devons-nous bien admettre que le pays ne se relèvera définitivement
sans la conception puis la mise en œuvre d’une politique radicale de sécurité globale
qui ne cherche pas seulement à faire la guerre aux bandits mais aussi et surtout à
restaurer le droit du peuple haïtien à l’égalité citoyenne et à l’autodétermination politique. Il est crucial de redonner à la majorité populaire sa dignité, sa citoyenneté, et à tous le droit inaliénable de vivre heureux dans leur propre pays.

Le devoir des élites dirigeantes haïtiennes c’est d’abord d’être responsables à l’égard
des besoins de la population. En d’autres termes, nous ne pourrons pas résoudre
définitivement le problème de l’insécurité sans un projet courageux de rupture avec la
société traditionnelle haïtienne fondée sur les éléments discriminatoires et d’exploitation de la vieille société coloniale et l’instauration nécessaire, par des élites enfin soucieuses et compatissantes envers le peuple, d’un autre État qui soit enfin pour et non contre la nation.

De même, il va falloir considérer avec sérieux la dimension transnationale de la crise.
On ne le dira jamais assez : Haïti ne produit ni armes ni munitions. Et pourtant, des
centaines de milliers d’armes à feu circulent librement sur notre sol, alimentant la
criminalité, la corruption, et sapant toute tentative de restauration de l’ordre public.

Par ailleurs, nous parlons le plus souvent de la menace que représentent pour notre
région les problèmes de sécurité en Haïti plutôt que de considérer la façon dont les
problèmes non résolus dans d’autres pays de la région affectent Haïti et permettent à
ses problèmes d’insécurité de s’aggraver.

En effet, Haïti n’est nullement le lieu où
résident les principales forces de soutien et d’origine des principaux problèmes qui sont liés à la criminalité transnationale organisée tels que le trafic illicite d’armes, de
munitions, de drogue et d’êtres humains.

En évoquant ici la dimension transnationale de la crise sécuritaire en Haïti, nous
voulons aussi contribuer à déconstruire le préjugé qui veut faire d’Haïti un problème
pour la région. Aucun pays n’est un problème pour un autre pays ou pour une
région. Autrement dit, deux grandes leçons sont à retenir du fonctionnement de la
criminalité transnationale organisée. La première : les pays les plus faibles sont ceux
qui en souffrent le plus. Il suffit d’étudier les conséquences dévastatrices de tous les
types de trafic illicite dans des pays des Caraïbes pour s’en rendre compte. La deuxième leçon est l’exigence de la coopération voire de la solidarité internationale dans le domaine de la lutte contre ce fléau, car plus il y a de pays touchés par ces structures criminelles, plus le problème devient grave et plus il devient difficile de le résoudre par les moyens d’un seul pays.

Somme toute, Mesdames, Messieurs, devons-nous sincériser nos engagements de
solidarité les uns envers les autres notamment envers les pays souffrants de notre région dont Haïti, en respectant nos promesses et en ayant conscience qu’en contribuant à
construire la paix sur notre continent nous travaillons aussi en même temps à préserver
la paix chez nous.

En Haïti, le Conseil présidentiel de Transition (CPT), poursuivra ses efforts visant à
rétablir la sécurité, restaurer la légitimité institutionnelle, relancer l’économie nationale
et mener Haïti vers des élections libres et crédibles. Cette mission, bien que difficile,
reste réalisable. Nous comptons beaucoup sur la solidarité régionale et internationale
pour y arriver car il y a un devoir interaméricain d’accompagner et de soutenir Haïti.

Enfin, je forme tous mes vœux de succès à ce symposium. Qu’il nous serve à nous
rapprocher davantage dans la recherche de la paix par la solidarité fraternelle. Soyons
encore de ceux qui croient que les peuples savent tisser des liens perpétuels d’amitié.

C’est là tout le rêve que nous chérissons tous depuis les vieilles luttes de libération des
peuples opprimés de l’Amérique et plus près de nous depuis la création de
l’Organisation en 1948.
Les échanges d’aujourd’hui devront se poursuivre avec le Secrétaire Général Ramdin
lors des prochaines rencontres notamment à la 55e Session de l’Assemblée générale de
l’OEA qui se tiendra en juin prochain. Ce sont des initiatives qui doivent aboutir, j’en suis certain, à des engagements durables, concrets et transformateurs.

Bon travail à toutes et à tous !
Mèsi anpil !
Je vous remercie!

Partager
Isaac Léo

La rédaction

Journaliste, Diplomate

Voir tous les articles de La rédaction →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *