Des appellations comme Masisi, Madivin, Bonbon woz, manjèt fèy, Tololo, Graje kawòl sont attribuées à ceux qui ne sont pas hétéro. On les rencontre presqu’à chaque pâté de maison. Ils font partie intégrante de la vie nationale. Dans les fêtes champêtres, les bals, les cérémonies vodou, les anniversaires, les Meeting ils se fondent dans le décor comme pour conserver l’unité de la diversité. Ils sont partout, en milieu rural comme en milieu urbain ; ils sont présents dans toutes les sphères d’activités (Cultures, éducations, économie, politiques etc.). Et par-dessus tout, nous ne cessons de nous questionner sur le fait de les tolérer et d’accepter des démarches légales devant conduire à leur intégration effective.
Aussi complexe que puisse paraître le sujet, il faut d’abord commencer par regarder cette pratique dans une grille sociologique. Loin de notre perception archaïque, on doit comprendre que la sexualité tout comme l’homme est un « construit sociale » dont l’homophobie n’est nullement envisageable dans une perspective normale.
Il faut se rappeler qu’Haïti fut une colonie dans laquelle les normes ont été prédéfinies. Qu’elles soient sociales ou morales. Bien que la moralité puisse avoir gain de cause avec le respect strict
des valeurs religieuses.
Homosexualité et vodou: une acceptation sans contrainte
Aujourd’hui, dans l’imbroglio de la quête incessante de tolérance et de légalité des pratiques homosexuelles, le vodou reste la seule institution qui formellement tend la main aux gens de cette catégorie.
« Ils sont nés ainsi. Ce sont des créatures de Dieu. On ne juge pas. On respecte leur droit »
« Ils sont nés ainsi. Ce sont des créatures de Dieu. On ne juge pas. On respecte leur droit », déclare Euvonie Georges Auguste, Grand serviteur à la Confédération Nationale des Vodouisants Haïtiens dans une documentation réalisée par la Mission des Nations Unis pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) en 2016.
Aussi forts que soient les dogmes du christianisme en Haïti, on ne peut ignorer le poids que pèsent les pratiques vodou dans la construction de l’être haïtien. Et, c’est ce qui nous a permis d’apprécier la question sur cet angle. Pour le Vodou, c’est le bien être de l’autre qui est important, pas son orientation sexuelle. Si pour certains les pratiques homosexuelles sont purement génétiques ou sont liées à des influences sociétales, d’autres croient que des divinités vodou ont une part de responsabilité dans cette ambivalence.
Bien que Madame Auguste admette que la société Haïtienne n’est pas prête à accepter la légalisation de cette pratique. « En Haïti, il y a des valeurs à respecter. On a reçu une éducation chrétienne, qui engendre des interdits », souligne la vodouisante, évoquant néanmoins une hypocrisie dans la société haïtienne.
« La réticence des haïtiens par rapport à l’homosexualité est presque normale. Mais il ne faut pas oublier qu’hier n’est pas aujourd’hui, aujourd’hui n’est pas hier, et demain ne sera pas aujourd’hui », affirme M. Ilionor Louis, Dr en sociologie. Pour lui, la société haïtienne, contrairement à ce que l’on pense, est en train de se préparer à accepter les différences sexuelles.
Pour le bien de tous et de toutes, aujourd’hui, la problématique devrait être posée dans une vision plus large dans le but de trouver un modus operendi au fait. L’état dans son intégralité et à travers les pouvoirs (Exécutif-Législatif-Judiciaire), l’Université, l’Eglise, l’Office national du Citoyen (OPC) et les organisations de base doivent se mettre d’accord sur ce qui est et sur ce qui devrait être.
En attendant d’avoir une Haïti avec un parlement capable de légiférer et de bien débattre sur le fait, en attendant d’avoir une Haïti beaucoup plus ouverte sur les haïtiens et sur le monde, un Haïti ou l’obscurantisme et l’individualisme ne se pavaneront plus. Nous tenons à vous rappeler qu’ils/elles sont plusieurs milliers à vivre difficilement à couvert ou de façon ouverte leur homosexualité.