Même si l’opinion publique a compris la nécessité d’investir les rues pour protester contre la misère, le kidnapping, les éxécutions spectaculaires et/ou sommaires, en un mot contre l’insécurité. Force est de constater qu’une peur bleue règne au milieu de la population depuis l’événement tragique survenu dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Si cet indicident malheureux constitue pour la famille et les proches du défunt qu’une simple mort physique d’un être cher, cet assassinat a un effet néfaste sur le subconscient du peuple haïtien, à tel point que même certains opposants farouches du régime sont affectés. En effet, la logique du peuple est simple, si le Président qui avait tous ces dispositifs de sécurité à sa disposition n’a pas échappé de cet acte crapuleux à combien plus forte raison ces bras bllants auront-ils la vie sauve devant ces tueurs en série. Donc, symboliquement le peuple est en coma, et tant qu’il ne sort pas de ce sommeil profond, la grande mobilisation populaire ne pourrait avoir lieu.
L’intégration des ténors de l’ancienne opposition radicale au gouvernement d’Ariel Henry (la queue du pourvoir du president Jovenel Moise) représente également une entrave à la mobilisation populaire. Quoique la situation reste inchangée, et même aggravée, le peuple est privé de leader. De nos jours, les militants de métiers, ceux qui connaissent mieux la question de la mobilisation populaire, ceux qui sont abandonnés par leurs anciens camarades de l’opposition de l’ère Moise, se retrouvent entre l’enclume et le marteau: ils ne savent à quel saint se vouer. Les manifestations ne font pas recette.
Autre facteur à ne pas négliger comme handicap du grand rassemblement populaire dans l’Ouest du pays, notamment à Port-au-Prince, c’est l’absence de position et d’opposition. Car, parmi les plus connus de la vie politique haïtienne, il n’y a aucun parti ni regroupement de l’aire métropolitaine à avoir affiché une réelle divergence face à la primature.
En réalité, la véritable opposition devrait venir du côté des Jovenelistes, des initiateurs du PEN/MONTANA et du PHTK entre autres, malheureusement la position du PHTK était déjà connue depuis bien avant le forfait de la nuit du 6 juillet. Du côté du clan Montana : vraisemblablement, ils se sont entourés de très belles têtes, mais ils n’ont pas les pieds sur terre. L’intérêt de la population vis-à-vis de ce projet tarde à se faire sentir. Depuis l’élection de l’ex-gouverneur de la BRH, l’économiste Fritz Jean, et l’ex sénateur Steven Benoît, respectivement Président et Premier ministre, la clique de Montana semble s’essouffler. Les dernières actions publiques à date seraient les vaines tentatives de rencontrer le premier ministre de facto Ariel Henry et ses alliés de l’accord du 11 septembre. Après leur humiliation à la primature on ne les entend plus en tant que groupe, on ne sait pas encore si on peut considérer la présence mal appréciée du PM élu, Steven Benoît, dans la manifestation du 29 mars comme une action du groupe. L’une des causes de désintéressement du peuple à l’égard de la clique de l’accord Montana, c’est qu’il n’existe pas trop de différences entre elle et le clan Ariel. Si les acteurs sont différents, ils s’accordent: ils ont la même vision et pratiquement les mêmes projets. Ils prônent tous les deux, la transition. Donc, la bande à Fritz Jean ne constitue plus un obstacle au pouvoir, on la voit plutôt comme un allié de la Primature de préférence.
Quant aux Jovenélistes, ce regroupement n’existe que virtuellement. On peut toujours se tromper, mais on ne se souvient même pas avoir regardé ou assisté a une conférence de presse de cette soi-disant assemblée politique. Mise à part la tournée de l’ex première dame, Martine Moise, à travers le pays, bien qu’on ne soit pas en mesure de confirmer si la veuve du défunt est adhérente à cette équipe.
Comme on l’a mentionné plus haut dans le texte, si on considère la misère, l’insécurité dans toutes ses formes comme les causes profondes du rassemblement, il nous manque un élément clé qui est la cause occasionnelle. Personne n’aurait imaginé que le gouvernement allait pouvoir augmenter le prix des produits pétroliers avec une telle facilité. Nous avons raté une formidable opportunité de faire la grande mobilisation tant rêvée, tout s’est passé comme sur des roulettes. Et depuis, on a constaté que l’on va de mal en pis.
En tout cas espérons que nous ne descendons plus. Nous sommes déjà au bas de l’échelle…
Tout compte fait, ce que nous avons appris à travers l’histoire des révolutions, toute mobilisation a un prix.
La vraie question à se poser c’est: qui va financer les mouvements populaires à Port-au-Prince aujourd’hui en dépit de leurs légitimité? Quand on parle de financement des mouvements populaires, dans un monde capitaliste mafieux, ce ne sont pas toujours des actes de bienfaisance à caractère caritatif, ce sont des investissements. Autre question importante: qui a intérêt vraiment à investir sur un terrain politique miné comme celui-ci?
Vu l’état d’incertitude du pays est-ce que la vieille dame est en mesure de faire des heureux?
En tout cas, l’avenir dira le reste.
Leonel LouisJacques
Leofels5@gmail.com