22 novembre 2024

Haïti/Vodou: L’Ati national, le chef suprême dans une structure non hiérarchisée

Contrairement au catholicisme et à certaines églises protestantes,  le vodou ne constitue pas une structure hiérarchisée. Il est vu comme une confrérie ou une entité secrète dont la connaissance et la maitrise peuvent varier dépendamment de la région, du “Lakou” ou de la famille d’où vient le serviteur ou l’initié. Aussi, il provient de l’importance que donnent ces derniers à l’aspect sacré et au respect des valeurs.   

Le “hougan”, la “mambo”, les “hounsis” sont entre autres les qualificatifs qui ont été décernés à ceux et celles qui par le passé ont manifesté le désir d’intégrer la secte.

Toutefois, il fallait attendre jusqu’en 2008 pour connaitre un personnage suprême sous le patronyme de « ATI », avec pouvoir de guider spirituellement l’ensemble des adeptes de l’ordre vodou.

Max Gesner Beauvoir, le premier de la lignée des ATI

A l’âge de 72 ans, le feu Max Gesner Beauvoir, fut le premier hougan et fervent serviteur à bénéficier de ce titre honorifique en mars 2008. « Ati national » [maitre suprême et/ou guide spirituel], un titre créé pour conférer le pouvoir au Hougan qui jadis œuvrait de longue date dans le milieu pour donner une nouvelle directive au vodou qui, entre lutte et résistance a fini par prendre place péremptoirement aux côtés des religions sous le gouvernement du Dr Jean Bertrand Aristide. (Version 1)

Diplômé à l’université de Paris et à City College of New York, Max a décroché ses diplômes en biochimie et l’ingénierie pour ensuite se consacrer au vodou. Il a officiellement en 2005 lancé la Fédération Nationale du Vaudou, qu’il renommera en 2008 Konfederasyon Nasyonal Vodouyizan Ayisyen (KNVA).

Cette confédération, dans ses règlements internes a donc fait mention de l’âge à laquelle on peut  devenir ATI. 61 ans, c’est l’âge qu’il faut pour postuler à ce titre dans le vaudou. En ce qui concerne le genre, tous les sexes sont éligibles. Qu’on soit homme ou femme, c’est la pureté de l’âme qui compte.     

Dans sa vaste demeure située à Mariani dans la commune de carrefour et non loin de la capitale, Max a aménagé un espace de temple pour accueillir des adeptes, des amoureux des cérémonies vodous et les touristes curieux de connaitre les secret de la secte. 

Entre critiques et fragilités de l’expérience, Max a tenté de tisser les liens entre les vodouisants de la place en vue d’unifier le secteur. Aussi, il a travaillé à  la  promotion du vodou à travers le  site www.vodou.org qu’il administrait avant même son intronisation. Il est mort le 15 septembre 2015, à l’âge de 79 ans et après avoir passé sept années à la suprématie du vodou.

Les ATI se succèdent…

Joint au téléphone ce vendredi 17 septembre 2021, la Mambo Euvonie auguste, Grand serviteur de la Konfederasyon Nasyonal Vodouyizan Ayisyen (KNVA) avec soin, a partagé avec nous les informations qui suivent dans le souci d’élucider le lectorat de Fernando Live.   

En décembre 2015, le Hougan Alcenat Zamor a été désigné pour succéder à Max. Elu au suffrage de la Konfederasyon Nasyonal Vodouyizan Ayisyen (KNVA), il devait officiellement prendre fonction en mars 2016 pour une période probatoire allant de un jusqu’à sept ans. Il rendit l’âme le 30 décembre 2015, suite à un accident de circulation ; soit 20 jours après sa désignation à la tête de la suprématie du vodou haïtien. 

Le hougan Joseph Fritzner Comas fut à son tour désigné pour remplacer le hougan Zamor le 27 février 2016 dans une conjoncture particulière ou le secteur garde encore quelques gouttes de larmes de la mort de deux hauts dignitaires en l’espace de quelques mois.

Intronisé le 7 mai 2016, le hougan Comas a été contraint de remettre sa démission en février 2019, pour violation des lois internes de la Konfederasyon.

A titre provisoire, le hougan Ismaite André, grand serviteur aux affaires religieuses et culturelles a assuré l’intérimat jusqu’à l’intronisation du Hougan Carl-Henry Desmornes qui est entré en fonction le 14 août 2019, une date très significative dans l’histoire de l’anthropologie haïtienne, date de la cérémonie du bois Kayiman, date marquant un tournant décisif dans les luttes pour l’indépendance.

ATI Desmornes et ses responsabilités

Déjà, deux ans  à la tête de la suprématie du vodou haïtien, le hougan Carl-Henry Desmornes doit davantage travailler pour maintenir l’unité au sein du milieu, à faire valoir les préceptes et à renforcer les liens entre les élites intellectuelles haïtiennes et l’Etat  pour une meilleure représentativité du vodou.

Il doit aussi travailler à la socialisation de la communauté et au renforcement de la vision des adeptes sur la création de richesse; standardiser la médecine traditionnelle, faire en sorte qu’elle participe au développement et à la recherche de résultats pour certaines pathologies. 

M. Desmornes doit Penser à instituer une école ainsi que des temples capables de recevoir les funérailles des vodouisants à la dimension des exigences infrastructurelles.           

L’histoire de l’anthropologie haïtienne a mentionné que la pratique vodou remonte à la période esclavagiste et a été interdite sous prétexte de sorcellerie. Malgré son apport dans la lutte pour l’indépendance, les persécutions n’ont pas cessé après 1804. Ce qui a fait du vodou, dès sa genèse, une culture de lutte et de résistance.

Vue comme une menace par les catholiques, le vodou a subi plusieurs vagues de persécutions. Le paradigme de l’opposition entre l’idolâtrie et vraie religion ou entre baroque et gens civilisés, domine le jugement de la classe intellectuelle et de l’Etat dans toutes visions de normalisation.

A l’égard du catholicisme et le protestantisme, la laïcité et la démocratie sont requises pour la reconnaissance du vodou comme culte. Loin de toutes approches théoriques sur la normalisation du vodou, il faut reconnaitre que cette dernière est plus qu’une religion mais tout un art de vivre.  Par-delà même les avancées théoriques, le vodou est perçu comme un lieu de mémoire des luttes contre la traitre et l’esclavage.

Depuis la période esclavagiste jusqu’à date, le vodou en tant que mouvement hétérogène constitué d’associations de défense n’a jamais manqué à l’appel dans les luttes politiques et de classe que connait le pays  depuis plusieurs décennies. Et, malgré cet apport considérable, il n’a jamais trouvé place légale dans les registres des lois visant à normaliser le droit des différentes institutions œuvrant au bien être des habitants de la cité.

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