4 octobre 2024

D-fi, l’araignée qui tisse la toile de l’industrie musicale haïtienne

Le rap est la jeune tendance musicale haïtienne qui trouve sa place au côté du Compas, Racines, deux des rythmes de la musique en Haïti les plus populaires. À partir des années 2000, le rap est devenu la tendance favorite des jeunes, que ce soit du côté des fans ou des praticiens. Rhod’Jyvens, né le 14 septembre 1991 à Port-au-Prince est devenu un fort praticien. Connu sur le sobriquet D-fi, il est un fervent rappeur haïtien engagé. Ses morceaux sont truffés de paroles défendant les causes des plus démunis. D-fi s’impose dans l’industrie musicale haïtienne en réalisant des titres équivalent son olympe. Aujourd’hui, il passe à une autre phase, celle d’une maison de production : son Label Evazyon mizik.

D-fi a grandi à Delmas, dans un quartier populaire appelé Cité Castro. « Rèv nou se trezò n. Katye sa, m reprezante a avan nan zyè kèk te vye zòn…M met Castro sou Map la », conte le fils de Marie Esther Louis et Duloncle Télémaque dans le morceau “Castro sou map la”. Il parle toujours fièrement de son quartier, c’est pourquoi d’ailleurs, l’ancien élève de l’institution Jean-Marie Guilloux a pu concrétiser ce titre pour immortaliser là d’où il vient. « Si m te vann valè m yo, m ta byen lwen », a expliqué l’ami de toujours de Ken-Fs à travers son titre “Konsidere m beni”.

Suite à ses études primaires à l’institution de Jean-Marie Guilloux, le frère de Passa a entamé ses études secondaires à l’institution de St Louis de Gonzague puis au collège Frantz Pailliere. Il poursuit pour une étude en droit économique mais il a avoué “Rèv pou m ekonomis mouri jou m antre lekòl dwa gonayiv » dans le morceau “Lòt bò baryè a”. Dans cette chanson, D-fi retrace l’histoire de sa vie jalonnée d’encombres et de péripéties, et dénonce vilement les dérives de la société société. « Fanmi an konte sou mwen pou l sot la; À ce qu’il paraît, fè mizik onèt isi pa rantab », déplore l’artiste dans la pièce “Pasyon m” par les conditions d’éviter le fiasco.

Une carrière forgeant son caractère

Après avoir intégré l’école nationale des Arts (ENARTS) et la vie estudiantine qui luia permis d’acquérir une certaine connaissance en élargissant son horizon, il s’est dit être prêt. D-fi a évoqué dans le son “Lò bò baryè a” : « Fuck kou trigo. Tout sa k te nan tèt mwen se foutbòl make kèk gòl kou Figo », question de faire part de son amour pour le football en dehors de son lien conjugal avec la musique.

En 2007, celui qui donne l’aile à la jeune pépite Tafa Mi-soleil, a rencontré Lord IMP qu’il considère comme son mentor. Ils vont réaliser “Rap plis ke sa” avec la participation de Stéphane Brutus mais ce projet demeure inédit. En 2010, le collaborateur brise la chaîne et se fait convertir à l’église en abandonnant la musique. Coup fort pour le jeune passionné mais il a pu comprendre que la persévérance fait surmonter les obstacles.

L’année de 2014 marque une tournure décisive pour l’auteur de la chanson “Kouzen” feat Tafa Mi-soleil & Lord IMP, une chanson qui conte l’affaire de Boat people que le rappeur D-fi met en version Rap. Un sacré travail qui vaut que dalle aux yeux des autorités particulièrement aux yeux des ministères de la culture et l’Intérieur. Au terminus de cet année, sur les conseils de son ami Ed Daliriks, D-fi a fondé le collectif Powèt Revolte avec d’autres jeunes rappeurs comme JA-M Enigmatiq, Ken-Fs, Wellbormembresn, MCM, ses beatmaker: Filip et A l’infini Beats, les HD Symphony, B-art, ED Daliriks, Exus (ces quatre derniers ne sont plus du groupe).

Le 31 juillet 2016, D-fi a sorti son premier Mixtape “Rèv ak Plim”. Ce dernier, a connu un succès fou malgré la sortie sans aucune promotion, sans sponsors ni de Label. En 2017, il a rencontré Alexa Cabeche et a sorti son deuxième Mixtape “Bal ou Rim” qui a connu un large succès. Son producteur Filip son ami, a décidé de fermer Dream Recordz, et les deux ont fondé ensemble le Label Evazyon mizik avec d’autres collaborateurs comme Stan, Lord IMP…

En 2018, il sort son tout premier album “Kwonik Geto Yout” dont Bal Mawon, Johnny, Flè dizè sont quelques des morceaux qui font état de la condition précaire du quotidien des haïtiens. A la fin de l’année 2019, il sort un double album intitulé “Rhod Over D-fi”, un vrai catalyseur de titres pour l’avenir du rap créole haïtien. Et ce dernier, à travers ce majeur projet a lâché : « Se lè pou m wete m. Men raple w, lè w santi w pou kò w, jwe mizik mwen, w ap santi w konekte ». Tels propos qu’il a laissé dans le morceau “Jamè pou kò m” pour annoncer sa retraite sur scène après toutes les fresques musicales qu’il a pu réaliser.

D-fi et les sponsors

Son orientation musicale, les sujets tabou de notre société abordés et ceux qu’il trouve trop déjantés semblent dresser un mur entre les sponsors/médias et le rappeur, auteur du morceau “Piblik mwen ki medya”. « Si m te gen cash, m kwè hit lan t ap gentan imedya…animatè a ki te pretann li konn sò m; li l : dyòl mwen pat nan pòch patwon se piblik mwen ki sponsor », a-t-il craché à travers ce titre pour exprimer ses aversions. D-fi est l’un des rares rappeurs à plaider les causes de la masse populaire. En plus de la cohérence aux thèmes qu’il traite, c’est également un militant, pour preuve dit-il dans l’un de ces morceaux : « M se stil rapè lè l pa woule bit la, k ap woule kawoutcbou l».

En dépit du retrait qu’il avait mentionné dans son “Rhod Over D-fi”, en 2020, lui et son ami Ken-Fs ont sorti un disque intitulé “Veni Vidi Veci”. D-fi a donc ajouté à celui du rappeur qu’il est, un producteur. En 2021, son Label sort un album sous la voix des jeunes pépites qu’il produit “Let The Story Begin”. Il est également l’un des initiateurs du festival “CriCastro” dans le but de poursuivre sa militance. Vie épanouie, malgré les circonstances et le marché musical difficile en Haïti, D-fi a pu se faire un nom et établir Evazyon mizik pour sa postérité !

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