Le tristement célèbre dossier de l’Affaire BNC illustre une fois de plus les dérives alarmantes du système judiciaire haïtien. En cause, le juge d’instruction Benjamin Félisme, dont l’incompétence manifeste et les abus de pouvoir appellent une sanction immédiate : sa destitution.
Le comportement de ce magistrat constitue une menace directe à l’État de droit et à la stabilité institutionnelle d’Haïti. En méprisant sciemment les règles constitutionnelles et judiciaires, Benjamin Félisme a compromis l’intégrité de la justice, semant de sérieux doutes sur son impartialité et ses motivations.
Une violation flagrante des principes constitutionnels
La Constitution de 1987 amendée et le décret du 12 avril 2024, créant le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), sont explicites : le Conseiller-Président de la Transition, détenteur de pouvoirs présidentiels, ne peut être jugé que par une Haute Cour de Justice. Ce statut spécial, consacré par l’article 4 du décret de 2024, garantit une protection constitutionnelle stricte jusqu’à l’investiture d’un président élu, prévue au plus tard le 7 février 2026.
Or, malgré ces dispositions claires, le juge Benjamin Félisme a convoqué le Conseiller-Président Louis Gérald Gilles et ses pairs devant une juridiction ordinaire. Cet acte constitue une violation grave des principes fondamentaux du droit haïtien.
Le 28 octobre 2024, les avocats du Conseiller-Président Louis Gérald Gilles avaient pourtant déposé une requête demandant une ordonnance d’incompétence. Ignorant cette demande légitime, Benjamin Félisme a poursuivi son instruction de manière illégale, allant jusqu’à émettre un mandat de comparution. Une telle conduite ne saurait être tolérée dans un État de droit.
Un juge incohérent et irresponsable
Ce n’est pas la première fois que Benjamin Félisme se retrouve au cœur d’une controverse juridique. En 2020, dans une affaire impliquant l’État haïtien et la SOGENER, ce même juge avait déclaré son incompétence juridictionnelle, respectant alors les règles établies. Pourquoi, en 2024, choisit-il de piétiner ces principes dans l’Affaire BNC, où la situation juridique des prévenus exige encore davantage de prudence ?
Cette incohérence soulève des questions fondamentales sur son intégrité et ses motivations. Il ne s’agit pas d’une simple erreur d’appréciation, mais d’un abus de pouvoir manifeste, incompatible avec les responsabilités d’un magistrat.
Une responsabilité pénale et disciplinaire évidente
Les agissements du juge Benjamin Félisme tombent sous le coup de l’article 90 du Code pénal haïtien, qui stipule :
« Seront punis de la destitution tous juges qui auront provoqué, donné ou signé un jugement, une ordonnance ou un mandat tendant à la poursuite personnelle ou à l’accusation, soit d’un grand fonctionnaire, contre les dispositions de la Constitution. »
En poursuivant un Président en exercice, le Conseiller-Président Louis Gérald Gilles, sans aucun respect des règles constitutionnelles, Benjamin Félisme a enfreint les principes légaux qui devraient orienter chacun de ses actes. Chaque instruction doit respecter le cadre juridique établi.
Le renvoi pour cause de suspicion légitime est une garantie fondamentale. Comme le rappelle la jurisprudence :
« Le renvoi pour cause de suspicion légitime est justifié lorsque le citoyen sous le coup d’une prévention doute de l’impartialité de ses juges et de la liberté de sa défense. Il a besoin d’être rassuré et secouru. »
(Cassation, deuxième section, arrêt du 27 juillet 1989, André Charrier vs Fritz De Cossa. Bulletin des arrêts de la cour de cassation, tome II, année 1989, p. 11. Compilation de Me Jacob Jean Baptiste.)
La récusation en masse demandée par les avocats du Conseiller-Président Louis Gérald Gilles est donc fondée et constitue une réponse légitime face à des actes arbitraires et illégaux.
Une justice politisée : symptôme d’un problème systémique
L’Affaire BNC dépasse le cadre individuel du juge Benjamin Félisme. Elle révèle une réalité plus sombre : l’instrumentalisation de la justice à des fins de persécution politique. Cette dérive affaiblit les institutions et érode la confiance du public dans un système déjà fragilisé.
Laisser un juge aussi manifestement partial et incompétent continuer à exercer envoie un signal inquiétant : les abus de pouvoir sont tolérés et la justice peut être manipulée à volonté.
L’urgence d’une réforme judiciaire
Cette affaire souligne l’urgence d’une réforme structurelle de la justice en Haïti. Pour éviter que de tels abus ne se reproduisent, des mesures immédiates doivent être prises :
- Évaluation stricte des magistrats : Mettre en place un mécanisme de contrôle pour garantir la compétence et l’impartialité des juges.
- Sanctions exemplaires : Appliquer rigoureusement les dispositions du Code pénal contre les juges qui violent la Constitution.
- Formation continue : Renforcer la connaissance des magistrats sur les principes constitutionnels et les lois en vigueur.
- Renforcement de l’indépendance judiciaire : Protéger les juges intègres des pressions politiques et éliminer ceux qui servent des intérêts obscurs.
Une demande de révocation immédiate
La destitution du juge Benjamin Félisme ne doit pas être vue comme une simple sanction disciplinaire, mais comme une exigence pour restaurer un semblant de crédibilité dans le système judiciaire. Laisser ce magistrat occuper son poste serait une insulte à la Constitution et à l’État de droit.
Conclusion : La justice doit être un rempart contre l’arbitraire
L’Affaire BNC est un test décisif pour les institutions haïtiennes. Réagir fermement face aux dérives du juge Benjamin Félisme est la seule manière de montrer que personne n’est au-dessus des lois, pas même ceux chargés de les appliquer.
Haïti ne peut se permettre une justice à deux vitesses. L’heure est venue de choisir : soit un État de droit où la justice est un pilier de stabilité, soit un État d’arbitraire où les abus prospèrent dans l’impunité.