4 octobre 2024

Conducteurs et policiers: les dessous de la circulation en Haïti

Cela ne date pas d’hier depuis que des chauffeurs de véhicules publics et privés se plaignent des agents de la circulation qui les taxent en vue de les laisser partir sans dresser aucun procès-verbal après avoir commis sur la voie publique, de simples actions qui laissent à désirer. Certains d’entre eux, par ailleurs, louent cette pratique, voyant en elle un compromis gagnant-gagnant car la somme qu’ils auraient à payer à la DGI ou au service de la circulation est souvent plus supérieure que celle versée aux agents de police routière.

Plus d’un invite les autorités au sein du service de la circulation et de la Police Routière à redoubler d’efforts pour enquêter sur cette saga afin d’identifier ces agents et de prendre les mesures administratives nécessaires.

Dans la plupart des régions du monde, tout non-respect de la loi est généralement considéré comme une infraction et la justice définit clairement la manière dont l’auteur sera puni. En Haïti, lorsqu’il s’agit de conduire sur la voie publique, il arrive souvent que des injonctions de payer soient toujours données aux conducteurs qui violent les principes du code de la route en présence des agents
de la Direction de la Circulation et de la Police Routière. Selon les préceptes du décret du 26 mai 2006 publié dans les colonnes du journal officiel du pays ” Le Moniteur “, plus de 200 articles sont très clairs là-dessus. De ce fait, un conducteur qui ne veut pas être sanctionné par l’État, doit se mettre en ordre aux exigences de ces articles avant même de circuler en véhicule.

Dans le cadre de ce travail, nous avons parlé à de nombreux automobilistes qui nous ont confirmé avoir l’habitude de créer un bazar qui leur coûterait une somme exhorbitante s’ils voudraient récupérer leurs pièces au service de la circulation. Mais ils se réjouissent car ils ont l’habitude de trouver assez souvent des policiers qui font tout leur possible jusqu’à ce qu’ils leur prennent de l’argent et les laissent partir. “Anpil fwa mwen konn fè kontravansyon men mwen plis souvan gen chans jwenn polisye ki jere sa anba tab avèm”, s’est louangé Remeau, chauffeur de taxi oeuvrant dans le secteur de transport en commun depuis plus de 10 ans.

Des contrôleurs, chauffeurs assurant la livraison de marchandises pour de grandes institutions privées dans la capitale, affirment qu’il y a des policiers qui s’investissent clandestinement dans cette pratique. Ils leur ont même inventé un pseudo: “Polisye fèmen men”. “Fèmen men vle di depi polisye a fin sezi lisans ou oswa papye machin lan, sa ka rive yo demake al poste nan anviwon an pou lòt moun pa sispèk. Aprè sa chofè a oswa chofè a dwat la rive jwenn yo pou chèche antant lan, saw tande a jès fèmen men an gentan fèt lontan” explique l’un des conducteurs . Toutefois, c’est l’article 279 du code de la route qui détermine la somme de l’amende que le chauffeur doit légalement payer à la DGI pour lever une contravention. Et les prix varient en fonction de la gravité de la faute commise par le chauffeur.

Certains chauffeurs résistent au soudoiement des policiers. “Polisye an kanpe m devan yon komisarya. Li di m fè kontravansyon paske m ap kondui ak yon polis asirans ki ekspire. Li di m swiv li rantre nan komisarya a. Lè m ap eseye eksplike rezon ki fè m poko renouvle l, li di m ebyen ann jere sa pou l ka remèt mwen papye m. Mwen di l mèsi ou mèt fè fich kontravansyon an pou mwen”, a révélé ce chauffeur soulignant que cela lui est arrivé sur la route nationale numéro 1.

Par ailleurs, d’autres conducteurs félicitent des agents de la circulation qui ne se livre pas à cette sorte de corruption, bien qu’ils y aillent trop fort sur les contraventions. ” Nan rejyon metwopolitèn lan gen anpil polisye ki pa jwe depi se pou bay kontravansyon. Pou nenpòt ti krik ti krak depi zye yo tonbe sou ou, yo p ap ba w chans”, ont regretté plusieurs conducteurs de camionnette assurant le trajet centre-ville/ Delmas/Pétion-Ville . Ces derniers on insisté sur le fait que ce groupe de policier ne donne aucune possibilité de négociation.” Lè nou fè kontravansyon, kategori polisye sa yo swiv nòmalman sa la lwa mande yo fè, tankou: drese pwosè vèbal, ale avèk pèmi kondwi chofè a pou yo ka voye l nan komisarya ki pi prè yo a oswa nan direksyon sèvis sikilasyon an”, ont-ils reconnu.

Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes aussi rendus au service d’inspection des véhicules pour s’entretenir avec quelques responsables afin de savoir s’il y a dans la charte interne de la Direction de la Circulation et de la Police Routière une loi qui ordone les agents de prendre secrètement de l’argent aux mains d’un conducteur dans le but d’annuler un timbre-amende; et si la direction générale de la circulation n’avait jamais eu vent de cette pratique. Mais notre tentative s’est révélé vaine.

En effet, vers chaque bureau où on nous a orientés, les responsables nous ont appris qu’ils n’ont aucune autorisation pour répondre aux questions voire fournir des détails autour dudit sujet.

D’un autre côté, quelques agents sous couvert d’anonymat, ont indiqué qu’ils ont l’habitude d’entendre ces propos. Malgré le fait qu”ils se sont montrés très perplexes vis-à-vis des révélations de ces automobilistes, ces agents de police routière ont juré de ne jamais procéder à de tels actes et ont encouragé les autres membres de l’institution de respecter leur engagement en vue de ne pas salir l’image de l’nstitution policière.

N’empêche que les conducteurs encouragent les autorités de la circulation et de police routière à diligenter une enquête interne afin de trouver et de sanctionner tous les coupables.

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