17 décembre 2024

Alix Didier Fils-Aimé et l’illusion d’une économie de survie

Le Premier ministre haïtien, Alix Didier Fils-Aimé, a récemment rencontré l’Association des Madan Sara, ces commerçantes informelles qui jouent un rôle crucial dans la circulation des produits agricoles. Présentée comme une démarche pour “renforcer l’économie nationale,” cette initiative met en lumière une vision économique limitée, où l’informalité semble être érigée en moteur de croissance.

Si les Madan Sara représentent une composante essentielle de l’économie locale, leur activité reflète avant tout l’absence de politiques publiques efficaces. Ce système, loin de transformer l’économie, perpétue un modèle précaire marqué par une faible productivité, l’absence de régulation et une dépendance accrue aux importations. Cette dépendance sape les fondations mêmes d’une croissance durable.

L’impasse de l’économie informelle

En valorisant un secteur marqué par l’incertitude et l’improductivité, le Premier ministre semble ignorer une évidence économique : aucun pays ne peut bâtir sa prospérité sur un système informel non structuré. Bien que vitales à court terme, ces pratiques ne génèrent ni recettes fiscales substantielles, ni perspectives d’emplois durables. Elles limitent également les échanges à des circuits étroits, souvent au détriment des normes de qualité et de sécurité.

L’économie informelle, en dépit de sa résilience, ne constitue pas un levier de développement. Elle enrichit une poignée d’intermédiaires, mais laisse la majorité dans une spirale de pauvreté chronique. Renforcer ce modèle revient à perpétuer l’illusion d’une économie fonctionnelle, alors qu’une transformation structurelle en profondeur est indispensable.

Les priorités économiques ignorées

Haïti a besoin d’un virage stratégique vers des secteurs capables de soutenir une croissance à long terme. Une agriculture moderne et mécanisée, appuyée par des infrastructures adéquates, pourrait transformer le potentiel agricole du pays. Ce développement devrait s’accompagner d’initiatives visant à créer des chaînes de valeur locales, où les produits agricoles sont transformés sur place, générant ainsi des emplois et de la valeur ajoutée.

Dans le même temps, le développement industriel reste une priorité. En stimulant l’émergence d’entreprises locales respectant les normes internationales, Haïti pourrait réduire sa dépendance aux importations et renforcer son autonomie économique. Ces entreprises, à la fois dans la production et la distribution, contribueraient à structurer des marchés aujourd’hui dominés par l’informalité.

Repenser la distribution et la modernisation économique

Le secteur de la distribution, souvent négligé, est un pilier essentiel pour toute économie en transition. Plutôt que de s’appuyer sur des circuits informels, le gouvernement devrait favoriser la création d’entreprises capables d’améliorer la logistique et de respecter des normes de sécurité et d’efficacité. Ces structures modernes rendraient les marchés plus compétitifs tout en offrant des opportunités d’emploi qualifié.

Un leadership à la croisée des chemins

En soutenant l’économie informelle, le Premier ministre semble manquer de vision face aux défis colossaux d’Haïti. Maintenir ce statu quo, même sous couvert de “renforcement économique,” revient à condamner le pays à une stagnation prolongée. Ce dont Haïti a besoin, c’est d’un leadership audacieux et d’une politique économique tournée vers l’avenir : une agriculture mécanisée, une industrialisation ambitieuse, et des réseaux de distribution modernisés.

Pour engager un véritable développement, le pays devra surmonter son ancrage dans une économie de survie et adopter une stratégie de transformation structurelle. Cette vision, bien que difficile à mettre en œuvre, est la seule voie vers une prospérité durable et une véritable indépendance économique.

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Isaac Léo

La rédaction

Journaliste, Diplomate

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