4 octobre 2024

Les incohérences légales du rapport de l’ULCC : une analyse critique

Port-au-Prince, le 3 octobre 2024-Le rapport produit par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) le 2 octobre 2024 soulève de nombreuses interrogations quant à sa rigueur juridique et sa conformité aux procédures établies. Présenté dans un contexte médiatique spectaculaire, ce document, censé apporter des éclaircissements sur de potentielles malversations au sein de l’administration publique, révèle au contraire des contradictions majeures, tant factuelles que procédurales. Les observateurs critiques pointent plusieurs irrégularités qui mettent en cause la validité même du rapport.

L’une des premières incohérences relevées concerne la saisine de l’ULCC, effectuée de manière inhabituelle par voie de presse. Dans son rapport, l’ULCC affirme avoir été informée par un article médiatique daté du 24 juillet 2024, dans lequel Raoul Pierre Louis accuse trois Conseillers Présidentiels de lui avoir exigé 100 millions de gourdes en échange de sa reconduction à la tête de la Banque Nationale de Crédit (BNC). Or, cette méthode de saisine est contraire à l’article 19 du Décret du 8 septembre 2004, qui stipule que les dénonciations doivent être faites formellement, et non via des déclarations médiatiques.

Cette procédure, inédite, pourrait ouvrir la porte à des dérives où des institutions publiques seraient régulièrement saisies sur la base de simples publications médiatiques, ce qui irait à l’encontre des principes de rigueur et de formalité prévus par le droit haïtien.

Le rapport fait état d’un procès-verbal de constat rédigé par le magistrat Fritz Veus, prétendument obtenu à la demande de l’ULCC. Cependant, Raoul Pierre Louis n’a jamais officiellement soumis ce document, qui contient des altérations des échanges WhatsApp utilisés comme preuve dans l’enquête. Ce constat soulève des doutes quant à l’authenticité des informations recueillies, surtout en l’absence de toute vérification contradictoire par les parties concernées. Ce faux procès-verbal met sérieusement en cause la crédibilité de l’enquête menée par l’ULCC.

Un autre point crucial concerne les auditions des différentes personnalités impliquées, notamment Lonick Leandre, Onald Fontaine, et Fritz William Michel. Le rapport ne précise ni le contenu de leurs déclarations ni leur rôle dans cette affaire, créant ainsi une zone d’ombre autour des conclusions de l’ULCC. Pire encore, aucune confrontation n’a eu lieu entre Raoul Pierre Louis et les trois conseillers accusés, ce qui aurait pourtant permis de faire la lumière sur les accusations portées.

Le rapport mentionne également une réunion tenue dans la chambre 408 de l’hôtel Oasis, qualifiée de “secrète” par l’ULCC. Cette interprétation va à l’encontre de la Constitution haïtienne, qui garantit la liberté de réunion. Les Conseillers Présidentiels (CPT) jouissent du droit de se rencontrer pour discuter de la reconduction d’un fonctionnaire, et leur rassemblement ne saurait être qualifié de secret, d’autant plus qu’ils étaient accompagnés de leurs agents de sécurité. Cette tentative de criminaliser une réunion constitutionnellement protégée démontre la volonté manifeste de l’ULCC de manipuler les faits pour affaiblir les CPT.

Au-delà des lacunes procédurales, les preuves avancées par Raoul Pierre Louis sont également remises en question. Il accuse, par exemple, Lonick Leandre et le CPT Gilles de lui avoir retiré son téléphone lors de la réunion, une allégation non corroborée par des éléments matériels. De même, l’ULCC se base sur des photos prises lors de la rencontre pour étayer ses accusations, sans considérer que ces images, issues de téléphones portables, peuvent facilement être manipulées, en particulier à l’ère des technologies de l’intelligence artificielle.

Le rapport soulève enfin l’émission de cartes de crédit préapprouvées d’une valeur de 20 000 dollars en faveur des CPT. Bien que l’ULCC laisse entendre que ces cartes auraient été acceptées en échange de la reconduction de Raoul Pierre Louis à la BNC, aucune preuve tangible n’est fournie. Il convient de rappeler qu’une carte de crédit est un produit bancaire courant, dont l’octroi ne constitue pas une preuve de malversation. En outre, l’ULCC évoque un taux de change largement inférieur à celui pratiqué par la Banque de la République d’Haïti (BRH), ce qui suscite de nouvelles interrogations sur la manipulation des chiffres dans ce rapport.

En conclusion, ce rapport de l’ULCC souffre de nombreuses incohérences, aussi bien sur le plan juridique que factuel. La saisine irrégulière, l’usage d’un faux procès-verbal, l’absence de confrontation des parties, et l’interprétation erronée de la liberté de réunion jettent une ombre sur la crédibilité de ce document. Les preuves avancées sont largement insuffisantes, tandis que certaines conclusions semblent être tirées de manière partiale, voire manipulée, en vue de discréditer les CPT. Ce rapport, au lieu de faire la lumière sur des faits supposés de corruption, ne fait que semer davantage le doute sur les véritables motivations de l’ULCC dans cette affaire.

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